Je m’appelle David Ward. Mes proches me surnomment Dave. J’ai atteint la quarantaine récemment. Hier, la veille de Noël, je travaillai encore. Il fallait bien que je fasse quelques heures supplémentaires pour ne pas me retrouver dans le rouge au début du mois prochain. C’est un peu déprimant…

J’aurai voulu pouvoir faire les choses proprement cette année pour Noël, mais ni moi, ni ma femme, n’en avons eu le temps. Le sapin est bien là dans le salon, mais il n’y a aucune décoration. Je l’ai ramené hier, après le travail. J’ai eu de la chance, car c’était le dernier. Il n’est pas très joli ou très fourni, mais il suffira. Les temps sont rudes, alors on ne pouvait pas se permettre de mettre trop d’argent dans un sapin. C’était plus simple d’attendre le dernier moment, quand les prix se mettent à chuter.

Il est temps de passer aux choses sérieuses pour surprendre ma femme et mon fils. Qu’ils soient un peu surpris dans le bon sens du terme. Même si ce ne sera pas le plus beau Noël du monde, qu’il soit au moins agréable. Debout dans le salon, je m’étire, faisant craquer les os de ma colonne vertébrale. C’est douloureux, mais en même temps, ça fait un bien fou. Mon regard se pose sur le petit coussin orange qui se trouve sur le canapé. Depuis quand est-ce qu’il est là ? C’est sûrement Kathy qui l’a mis ici…

Je vais dans la salle de bain pour me débarbouiller le visage à l’eau froide. Derrière les toilettes, la flaque petite flaque d’eau est toujours là. Il faudrait vraiment que je fasse appel à un plombier pour s’occuper de cette satané fuite, mais les prestations sont toujours aussi élevées niveau prix. C’est déprimant. Je regarde ma montre. Il est presque vingt-deux heures.

J’ouvre doucement la porte de la chambre de mon fils et m’approche de son lit. Jimmy dort à poings fermés. Pourtant, il fait très froid dans cette pièce. La fenêtre est pourtant fermée. Il y a un courant d’air glacial. Je vais vérifier le petit radiateur. Froid. Il y a encore un problème avec, c’est la troisième fois cette année. Je pousse un soupir avant de chercher une couverture dans l’armoire. Je la dépose sur mon fils. Au moins, il sera bien au chaud.

Je sors de la chambre pour aller dans la cuisine. Kathy est là. Affalée sur la table, elle s’est endormie. De nombreux papiers sont étalés, et le fait que ce soient des factures ne me rassure pas vraiment. La calculette est encore allumée. Elle a dû s’endormir en faisant les comptes. J’en profite pour fouiller dans l’un des placards de la cuisine. J’en sors un sac. A l’intérieur, il y a une jolie robe blanche. C’est le cadeau que j’ai acheté à ma femme. Ce n’est pas une robe de marque, je ne peux pas me le permettre au vu de notre budget. Je pose le sac sur la table, près de Kathy. Quand elle se réveillera, elle aura une surprise.

J’entends le téléphone sonner. Je fonce dans le salon pour décrocher. Au bout du fil, impossible de savoir de qui il s’agit. Il y ‘a des perturbations et la voix est hachée. Il faut vraiment que j’appelle un technicien pour régler ce problème. Je raccroche, légèrement agacé. Je sens alors mon estomac se mettre à gargouiller. Je fonce aux toilettes pour vomir le dîner. Ce serait bien le moment pour tomber malade tiens…

De retour dans le salon, je vois que quelqu’un a mis une guirlande sur le sapin. Celle avec les lumières rougeoyantes. C’est joli, mais je ne sais pas pourquoi je me sens un peu mal à la regarder. Je mets ça sur le compte de mon rendu d’estomac quelques instants avant, puis me tourne vers Kathy. Elle est installée sur le canapé, magnifique dans sa robe rouge. C’est sûrement elle qui a commencé la décoration du sapin. Un grand sourire sur le visage, elle me demande simplement :

-J’espère que ça ne t’embête pas si j’ai ouvert ton cadeau et si je l’ai mis ? Cette robe est si belle…

Bien sûr que non, ça ne me dérange pas. Au contraire. Je suis même très heureux que mon modeste cadeau lui plaise.

-Il manque quelque chose sur ce sapin mon chéri… Tu devrais monter au grenier pour aller le chercher.

J’acquiesce d’un signe de tête, voyant très bien de quoi elle voulait parler. Je vais chercher le tabouret de la cuisine pour atteindre la trappe qui mène au grenier. C’est un endroit sombre et humide. La lumière ne fonctionne plus depuis longtemps. Je n’y vois pas grand-chose dans l’obscurité, et j’espère juste ne pas trébucher sur un objet quelconque.

La petite fenêtre ronde laisse passer un filet de lumière. J’arrive à reconnaitre le carton que je cherche, celui avec les vieilles décorations de Noël. Je fouille dedans et trouve enfin ce que Kathy m’a demandé : l’étoile à poser sur la tête du sapin. Je reviens sur mes pas, bien content de ne pas rester plus longtemps dans le grenier. Je descends, pose mon pied sur le tabouret qui n’a pas bougé. J’entends un craquement, et il cède sous mon poids. Un autre craquement. Plus rien. L’obscurité.

***

La femme de David Ward était déjà morte lorsque la police l’a retrouvée sur le canapé du salon. Elle avait été tuée d’une balle dans la tête, ses vêtements blancs désormais écarlates.

Le petit Jimmy a été étouffé avec un oreiller pendant qu’il dormait, il est mort instantanément.

David était pendu à une corde, son corps se balançait au-dessus d’un tabouret cassé.

Joyeux Noël.