« Soyez silencieux ! »
Je me souviens encore de la nuit où l’univers lui-même sembla respirer à travers nos antennes radio. C’était une voix froide, sans timbre, qui ne vibrait pas dans l’air mais dans l’esprit. Deux mots seulement : soyez silencieux. Rien d’autre.
Au début, nous avons ri. Comment aurait-il pu y avoir un danger dans deux simples mots ? Le directeur de l’observatoire parla d’un canular, d’un hasard. Pourtant, dans le vacarme du monde, quelque chose s’est tu. Les vents semblaient hésiter, les animaux ne criaient plus, et les océans reflétaient le bleu du ciel avec un calme presque surnaturelle.
Nous avons cherché la source. Les signaux provenaient d’un point précis entre les constellations du Serpent et de l’Hydre, un lieu qui n’avait pas de nom sur nos cartes. Mais les calculs révélaient un détail effarant : le message ne venait pas de là-bas, mais de partout à la fois. Comme si la voix avait traversé la trame même de la réalité.
C’est alors que le docteur Edward perdit la raison. Il hurlait que ce n’était pas un avertissement, mais une prière. Que quelque chose bougeait dans le vide, quelque chose que même les étoiles craignent de nommer. Ses notes étaient couvertes de signes illisibles, des spirales tracées à la hâte, accompagnées de mots répétés : Ils dorment… ils dorment encore…
Puis les interférences commencèrent. Nos instruments captaient des chuchotements, des fragments de pensées, des murmures qui semblaient provenir de nos propres ombres. Et dans ces murmures, toujours, la même supplique :
« Soyez silencieux, avant qu’ils ne vous entendent. »
Je ne sais plus depuis combien de jours je veille. Le monde entier se tait désormais. Les villes sont mortes, les machines muettes, les hommes cachés. Mais dans le silence, j’entends battre quelque chose. Une respiration ancienne, infinie, sous le tissu de notre réalité.
Nous n’avons pas obéi assez tôt.
