Chapitre 01 – J’aime, je n’aime pas
Aujourd’hui, j’ai envie de dessiner un chat. Alors j’ai fouillé dans ma trousse de crayons, celle avec des fleurs dessus, et j’ai pris mes crayons rouges. Ce sont mes préférés. J’ai plein de rouges différents. Un rouge clair, un rouge foncé, un rouge encore plus foncé… Maman m’a dit qu’il y avait plein de noms pour ces rouges, mais je ne m’en rappelle plus. Je prend le crayon rouge normal, parce que c’est celui que j’aime le plus dans tout mes rouges. Ensuite, j’ai dessiné un chat sur le grand mur blanc. Il disait des choses comme « Bonjour ! », « Comment vas-tu ? » et « Je veux boire du lait. » Il ne parle pas beaucoup et ne dit pas grand chose, mais je n’ai pas la place d’écrire tout ce qu’il dit.
Moi, ce que j’aime manger le plus, c’est les fraises. Parce que les fraises, c’est trop bon. C’est mes fruits préférés. Je pourrai en manger tout plein, tout plein. Jusqu’à ce que mon ventre soit tout rempli de fraises. C’est tout sucré et tout doux. Mais maman elle n’en rapporte pas souvent à la maison. Elle dit que ça coute cher dans les magasins, surtout quand c’est pas la saison. Mais moi, j’aimerai bien manger des fraises là tout de suite. Maintenant. J’ai posé ma cuillère à côté de mon bol. La cuillère a faire un gros bruit en cognant sur le bol et maman n’a pas aimé ça. Mon bol, il est tout bleu. Il est décoré avec des jolies fleurs rouges. J’ai regardé maman et je lui ai demandé :
— J’ai envie de manger des fraises.
— Non.
— Mais j’en veux maintenant.
— J’ai dis non.
Maman a rempli mon bol avec des céréales. C’est des céréales qui n’ont pas de goût. Moi je n’aime pas ça. Ensuite, maman à mit du lait dedans. Je n’aime pas le lait. Mais j’aime beaucoup les vaches. J’ai un livre dans ma chambre, il y a des vaches dedans. Ce livre il parle d’une ferme et dans la ferme il y a plein d’animaux différents. Tout plein tout plein d’animaux. Il y a des poules, des moutons, des chèvres, des cochons… Et encore plein d’autres animaux. J’aime bien les animaux. Ce livre, je l’ai depuis que je suis toute petite. Depuis que je suis un bébé je crois.
Je n’aime pas beaucoup les bébés. Ils sont tout le temps en train de crier et de pleurer. Même la nuit alors que tout le monde veux dormir. C’est très énervant. Les bébés, ils sont censés être mignons. Moi je les trouve moches. En tout cas, je suis contente que Valentin ce ne soit plus un bébé. Mais il continuer de pleurer. Beaucoup. La nuit aussi des fois. Et ça m’empêche de dormir.
Valentin, j’ai l’impression qu’il ne s’arrête jamais de pleurer des fois. Il pleure, et il pleure, et maman elle me dit qu’il faut être gentil avec lui. Mais il continue de pleurer même quand on est gentil. C’est énervant, parce que j’ai beau parler avec lui, il s’en fiche et il continue de pleurer. Maman dit aussi qu’il faut faire attention à ne pas lui faire de mal. Parce que c’est un bébé. Et il faut aussi faire attention à ce qu’il fait. Parce que c’est un bébé. Elle ne me laisse jamais jouer avec Valentin. Mais des fois, quand maman ne regarde pas, je joue quand même avec lui.
C’est mon petit frère. Maman dit qu’il faut que je fasse attention à lui, alors c’est ce que je fais. Mais des fois, je me demande qui est-ce qui fait attention à moi. Papa il travaille, et Maman aussi. La maison elle fait attention à moi. Les murs font attention à moi. Ils m’aiment bien, et moi aussi je les aime bien. Ce sont mes amis. Alors on essaye d’être heureux tous ensemble. Moi, Valentin, papa, maman, les murs et la maison.
Chapitre 02 – Les autres
— Tu ne veux pas sortir t’amuser au parc avec les autres enfants ?
— Non, je n’ai pas envie.
— Mais pourquoi ?
— Je les aime pas. Et ils m’aiment pas non plus.
— Mais tu ne va pas restée enfermée dans la maison toute l’après midi ?
— Si.
— Tu vas finir par t’ennuyer.
— Non.
Maman, elle veux que je sorte dehors pour jouer avec les autres. Mais moi j’ai pas envie du tout. J’ai pas envie de sortir. J’aime pas aller au parc. J’aime pas les autres enfants. Je les aime pas du tout. C’est même pire : je les déteste. Ils sont méchants. Maman dit que c’est parce que c’est moi qui ne fais pas d’effort pour aller vers eux. Mais j’ai pas envie de faire d’efforts pour eux.
La dernière fois que je suis sortie pour jouer au parc, je me suis ennuyée. Je n’aime pas jouer à chat ou à la marelle. En plus, les autres ils trichent tout le temps. Ils veulent tout le temps gagner. Et y’a même des fois où ils donnent des coups de pied pour me faire tomber. Alors je suis rentrée à la maison. J’ai oublié de fermer la porte et j’ai commencé à parler avec les murs. Ils sont gentils, il m’écoutent tout le temps. Je leur ai dit que les autres étaient méchants avec moi. Qu’ils me tapaient. Qu’ils trichaient. Qu’ils n’étaient pas amusants. Mais la porte n’était pas fermée. Les autres enfants sont venus, et il se sont moqués de moi. Parce que je parlais avec les murs. Ils ont rigolé très fort et ont dit que j’étais folle. Moi j’avais juste envie de pleurer.
Les autres, ils ne comprennent pas. La maison c’est mon amie. Les murs aussi sont mes amis. C’est normal de parler avec ses amis. J’ai essayé d’expliquer, mais ils ont continuer à se moquer de moi avant de repartir pour jouer dans le parc. Les autres, ce ne sont pas mes amis. Ils sont méchants. Je les déteste.
La maison est mon amie. Les murs sont mes amis. Eux, ils ont toujours compris. Eux, ils ne se sont jamais moqués de moi. Eux, ils ne me disent pas de choses méchantes. Eux, ce sont mes amis.
Chapitre 03 – Murs blancs
— Tu es une grande fille ?
— Oui.
— Alors, si je te dis que tu vas devoir partager ta chambre, tu comprends ?
— Mais, c’est ma chambre à moi.
— Tu vas devoir la partager avec ton petit frère.
— Pourquoi ?
— Parce qu’il grandit, et que ce n’est plus un bébé. Il ne peut plus dormir avec nous.
— Il va dormir avec moi ?
— Dans la même chambre, oui.
Je vais devoir partager ma chambre avec Valentin. Parce qu’il grandit. Parce que c’est plus un bébé. Parce qu’il prend de la place. Il ne va plus dormir dans la même chambre que papa et maman. Il va dormir dans ma chambre. Et maman a dit qu’avant ça, il fallait changer des choses dans ma chambre. Comme la peinture sur les murs.
Moi j’aime bien ma chambre rouge. Avec ses murs rouges. Pourquoi est-ce qu’on devrait changer les couleurs des murs ? Parce que mon petit frère va dormir dedans ? Je m’en fiche de partager ma chambre. Enfin, non. Si. Mais juste un petit peu. Mais j’ai pas envie qu’on repeigne les murs en blanc. Les murs sont heureux comme ça. Ils n’aiment pas le blanc. Et moi non plus je n’aime pas le blanc. Je préfère le rouge.
Maman et papa ont repeint les murs de ma chambre. En blanc. J’aime pas ça. Les murs n’aiment pas ça. Ils ne sont plus du tout heureux maintenant. Ils sont tristes. Ils n’aiment pas le blanc. Je n’aime pas le blanc. On est triste. Et j’aime pas être triste. Je ne veux pas que les murs soient tristes. Alors je fais ce que je peux pour qu’ils ne soient plus triste.
J’ai pris mes crayons rouges et j’ai dessiné sur les murs. Maman et papa n’aiment pas ça. Ils me l’interdisent. Mais je m’en fiche. Je prend mes crayons rouges, et je dessine sur les murs blancs. Ca les rends heureux. Ils arrêtent de dire qu’ils sont tristes. Ils arrêtent de pleurer. Ils arrêtent de me dire qu’ils voudraient que tout redevienne comme avant. Moi aussi je voudrait que tout redevienne comme avant. Que les murs redeviennent rouges.
Ma chambre est toute blanche. Encore. Maman dit que c’est beaucoup plus joli comme ça. Que c’est mieux. Moi je n’aime pas ça. Je déteste ça. Les murs aussi. La maison est triste. Elle pleure. Elle se sent seule et vide. Et moi aussi. La maison et moi sommes amies. Et quand je dessine dessus, elle est heureuse. Et moi aussi.
Chapitre 04 – Punition
Aujourd’hui, maman m’a prit mes crayons. Elle les as tous pris. Même mes préférés. Même les rouges. Pourtant, j’ai pas fait de bêtises. J’ai rien fait du tout. Je ne sais même pas si elle va me les rendre. Si ça se trouve, elle va les prendre et les jeter dans la poubelle. Et moi, j’ai pas envie qu’elle fasse ça. J’ai pas envie qu’on me jette mes crayons. Moi je ne jette pas les affaires de maman dans la poubelle, alors pourquoi on veut jeter mes affaires à moi ? Alors j’ai crié très très fort.
— Où ils sont ? Où ils sont ? Où ils sont ? Où ils sont ?
Je voulais juste qu’elle me rende mes crayons. Maintenant. Parce que je voulais dessiner. Maintenant. C’est maintenant que je voulait dessiner. Je voulais dessiner des chats et des chiens. Et aussi une souris. J’aime bien les sourires. C’est tout petit et ça mange du fromage. Ensuite ça part se cacher dans les petits trous dans les murs. Je ne sais pas si ça fait mal aux murs d’avoir des souris qui courent dedans.
Et comme maman ne me rendait pas mes crayons, alors j’ai pleuré. J’ai pleuré très fort. Je crois que ça l’a énervée. Elle a crié très fort aussi. Elle m’a punie. Maman m’a prit par le bras et ma mise dans ma chambre. Elle a fermé la porte et est repartie s’occuper de Valentin.
J’ai pas mangé ce soir là. Et pourtant j’ai très faim. J’ai continué de pleurer, mais moins fort. Je voulais juste qu’on me rende mes crayons pour dessiner. Maman me les as prit sans me demander. Je sais pas si elle me laissera sortir de la chambre un jour. Si ça se trouve, elle va m’oublier et je vais rester ici pour toujours. Et je mangerai plus jamais de fraises. Ce serait quand même triste, parce que j’adore manger des fraises. Maman n’est pas revenue me chercher. Je suis sûre qu’elle m’a oubliée. Peut-être que je ne sortirai plus jamais de ma chambre. Si je dois rester dans ma chambre, alors je veux au moins mes crayons rouges.
Chapitre 05 – L’école
— Je ne veux plus aller à l’école.
— Sois une gentille fille.
— Je ne veux pas. Je ne veux pas.
— Va à l’école.
— Non.
— Pourquoi ? Pourquoi tu ne veux plus aller à l’école Lucie ?
— Parce que.
— Mais parce que quoi ?
— Parce que. Parce que, Parce que, Parce que.
— Parce que ? Est-ce que c’est parce que tu veux pouvoir dessiner tous les jours sur les murs de ta chambre ?
Maman m’a regardé. Et elle a soufflé. J’aime pas quand elle souffle. Ça veut dire qu’elle s’énerve. Et j’aime pas ça. Moi je n’ai rien dit. Et puis elle a encore parlé. Des dessins que je fais sur les murs blancs de ma chambre. Elle a dit que c’était pas bien. Que j’étais une grande fille. Que je ne devais pas faire ça. Qu’elle avait autre chose à faire que nettoyer les murs et les repeindre à chaque fois. Après elle a parlé de l’école, en me disant que c’était important. Qu’il fallait que j’apprenne à lire, à écrire, à compter, et plein d’autres choses très importantes. Pour mon avenir. Elle a dit que si je ne travaillais pas bien à l’école, alors quand je serais grande, je ne pourrais pas avoir de bon métier. Moi quand je serais grande, je veux dessiner. Je veux faire des dessins, c’est tout. Et si les gens aiment bien ou n’aime pas, je m’en fiche.
Maman a continué de parler pendant encore longtemps. J’ai écouté sans rien dire du tout. J’aime pas quand maman parle comme ça. Ça veut dire que je vais bientôt être punie. Et j’aime pas être punie.
— Il faut vraiment qu’on se débarrasse de ces crayons.
Elle a pris mon cartable, l’a mis devant moi et l’a ouvert. Dedans il y avait mes crayons.
— Maintenant.
J’ai secoué la tête. J’avais pas envie de jeter mes crayons. Je les aime mes crayons. Surtout mes crayons rouge. Maman m’a encore regardé, avec des yeux méchants. Elle a répété :
— Maintenant.
J’avais pas envie d’être punie. Mais j’avais pas envie de jeter mes crayons. J’ai commencé à pleurer. Et j’ai été punie dans ma chambre.
Chapitre 06 – Mes crayons
Je sais pas ce que je peux faire. Les murs pleurent. Ils pleurent parce qu’ils sont blancs. Moi, je veux juste dessiner dessus pour les rendre heureux. Pour rendre la maison heureuse. Mais maman les as encore repeint en blancs. Elle as mit plein de blancs sur mes dessins. Sur tout mes dessins. Les murs sont blancs. Ils sont tristes. Maman veux que je jette mes crayons. Maman veut que j’arrête de dessiner sur les murs. Maman veux que les murs soient triste. Maman veut que la maison soit triste. Maman est méchante. Mais c’est ma maman.
J’ai parlé avec la maison et avec les murs. Ils sont été gentils. Ils m’ont dit ce qu’il fallait faire. Les murs ont dit qu’il fallait que je prennent mes crayons et que je les cache. Tout mes crayons, même les rouges. Surtout les rouges. Je dois les cacher, comme ça maman croira que je les ait jetés. Elle ne pourra plus me les confisquer. Elle ne pourra plus m’empêcher de dessiner sur les murs de la maison. Ils ne seront plus tristes. Ils seront heureux.
Je suis allée dans le garage. C’est une idée de la maison. J’ai tout mit dans une boite en carton. Ensuite, je l’ai fermée. Avec tout mes crayons dedans. Après, je suis partie dans le jardin derrière la maison. J’ai le droit de sortir dans le jardin quand je veux, à condition de le dire à maman ou à papa. Là, je n’ai rien dis, donc je ne sais pas si j’avais le droit ou pas. Mais la maison a dit que je pouvais, alors je suis sortie.
J’ai pris ma grande pelle bleue. J’aurai voulu avoir la pelle rouge, mais maman n’a pas voulu. J’ai eu la bleue à la place. J’ai creusé un grand trou près de l’arbre. Un grand grand trou. Et quand j’ai trouvé que c’était assez grand, j’ai mis la boite en carton dedans. J’ai bien fais attention à ce que personne ne me vois faire. Parce que j’ai pas envie qu’on me vole ma boite avec mes crayons. J’ai tout enterré. J’ai aplatis le sol avec la pelle puis je suis revenue à la maison.
J’ai caché mes mains dans les poches de mon manteau. Y’avait plein de terre dessus. Si maman avait vu ça, elle m’aurait demandé ce que je faisais dans le jardin sans avoir demandé l’autorisation. J’ai vite lavé mes mains dans la salle de bain. Elles étaient toutes propres après. J’étais contente : Maman ne trouvera jamais la boite avec mes crayons.
Chapitre 07 – Mensonge
J’étais en train de regarder un livre d’image dans ma chambre quand maman est venue. Elle m’a regardé avec des yeux fâchés. J’ai pas compris, parce qu’aujourd’hui j’ai pas dessiné sur les murs. Enfin, pas encore.
— Où sont-ils ?
— De quoi ?
— Ne te moque pas de moi. Tu sais très bien de quoi je veux parler.
— Bah non maman, je comprends pas.
— Dis moi où tu les as cachés !
Elle a parlé tellement fort que j’ai fais tomber mon livre d’images par terre. J’ai même pas eu le temps de le ramasser. Il est rester par terre, grand ouvert. Je suis sûre que les pages vont s’abimer si je le laisse comme ça. J’ai commencé à me pencher pour le ramasser mais maman m’a dit qu’il fallait que je l’écoute au lieu de penser à autre chose. Alors j’ai laissé mon livre par terre. Et elle a parlé encore plus fort.
— Tes crayons, ils sont où ?
— Je sais pas.
J’ai menti. Je sais que c’est pas bien de mentir, mais je sais que si je lui dis la vérité, elle va chercher mes crayons et les jeter à la poubelle. J’ai pas envie. C’est mes crayons. Maman m’a prit mon bras et l’a serré très fort. Et après elle a crié.
— Dis-moi où tu les as cachés !
— Non.
Elle a encore crié. Elle a dit que j’étais une méchante fille, une menteuse, et plein d’autres choses pas gentilles. Moi j’ai commencé à pleurer. J’ai continué à dire que je savais pas où étaient les crayons, que je les ais pas cachés. Puis maman a dit qu’elle en avait marre et j’ai été punie.
Je suis restée dans la chambre tout le reste de la journée. Mais je m’en fiche. Je fais ce qui est juste pour la maison. Parce que la maison c’est mon amie. Elle est gentille avec moi. Pas comme maman. J’ai continué à regarder mes livres d’images. J’en ai plein, donc je ne vais pas m’ennuyer.
Comme la dernière fois, le soir, personne ne m’a appelé pour me dire de venir manger.Mais je m’en fiche. De toute façon, j’ai pas faim.
Chapitre 08 – Mes amis
Ma maman n’est pas très gentille. Elle dit qu’elle a autre chose à faire que de perdre son temps à recouvrir mes dessins de peinture blanche. Elle a encore dit que je n’avais pas le droit de dessiner sur les murs. Mais moi, je sais que ça les rends heureux. Très très heureux. Je le sais parce qu’ils me le disent.
Je pense que maman n’aime pas mes dessins. Elle les trouve moches. Par contre elle adore les dessins de Valentin. Dès qu’il fini un dessin, elle l’accroche sur le frigo avec un aimant. Pourtant, il ne sait pas dessiner. Ce sont juste des gribouillages de toutes les couleurs. Il ne sait même pas faire un rond ou un carré. En plus, pour faire ça, il utilise mes crayons. Lui, il a le droit d’utiliser des crayons. Personne ne le punis pour ça. Et puis, il ne rend personne heureux avec ses dessins. Juste papa et maman. Et lui. Valentin est égoïste.
« Je dois prendre soin de la maison » dit tout le temps maman.
Elle fait le ménage, mais ce n’est pas prendre soin de la maison ça. Moi je prend soin de la maison, pas elle. Et jamais elle ne me dit merci pour ça. Je sais pas pourquoi. Pourtant, je suis pas méchante. Je fais ce qui est mieux pour la maison et pour les murs. Les murs, eux, ils aiment mes dessins. Ils sont gentils et polis. Ils me disent que je dessine bien, que c’est joli, que ça leur plait. Ils disent pas que mes dessins sont moches. Maman ne le dit pas, mais je suis sûre que c’est ce qu’elle pense.
Moi, je ne suis pas une méchante fille. C’est que quand on me prend mes crayons ou qu’on efface mes dessins que je deviens méchante. Quand je ne peux plus dessiner sur les murs aussi. Quand ils sont triste et que je ne peux plus les rendre heureux. C’est les seules fois où je suis méchante. Mais sinon, je suis très gentille. Mais ce n’est pas ce que pensent maman et papa. Euh, ils croient que je suis méchante parce que je dessine sur les murs et que je ne veux pas aller à l’école.
Chapitre 09 – Secret
Le matin, après mon petit déjeuner, je dois m’habiller pour aller à l’école. Je n’aime pas ça. Et la maison non plus. Et quand je suis pas là, ça rends les murs tristes. Ils pleurent. Je le sais parce que quand je rentre après, ils me le disent. Et ils disent aussi que maman ne s’occupe pas d’eux. En même temps, elle ne les entends pas et n’arrive pas à leur parler. Papa non plus. Valentin est trop petit pour ça.
Quand j’ai parlé avec la maison, elle m’a dit que maman voulait tout changer. Qu’elle voulait changer les couleurs. Qu’elle voulait changer les meubles. Qu’elle voulait changer plein de choses. Qu’elle voulait essayer de nous séparer. Maman dit que la maison devient trop petite, qu’on est beaucoup trop serrés dedans. Qu’elle veut vendre la maison. A quelqu’un d’autre. La maison n’aime pas ça. Je suis sa meilleure amie. Je sais pas si elle a eu d’autres amis avant moi. Mais je m’en fiche. C’est mon amie à moi. On a eu plein de bons moments ensemble. On aime les couleurs. On aime jouer. On aime le rouge. On aime parler. On parle beaucoup ensemble.
— Pourquoi est-ce que Lucie parle aux murs ? demande papa en lisant son journal.
— Ma chérie, a qui est-ce que tu parles ? me dit maman.
Alors je mens. Je dis que je ne parle à personne.
— A personne.
— Mais il y a des mots qui sortent de ta bouche.
— Je sais.
— Donc tu parles.
— Oui, je me parle à moi-même.
Maman dit que c’est bizarre de se parler à sois même. Que c’est pas normal. Pourtant ça lui arrive aussi quand elle est toute seule dans la cuisine. Je l’ai déjà entendue parler toute seule. Donc elle aussi elle est bizarre. Dans ma tête, je voulais lui dire que c’était pas bizarre et qu’elle aussi elle le faisait. Que papa aussi le faisait. Et que même Valentin le faisait. Mais j’ai rien dit. J’avais pas encore envie d’être punie. Puis je suis partie ailleurs. Comme ça, personne ne connait notre secret, à la maison et à moi. Personne. Même pas papa et maman. Même pas Valentin. Personne.
Chapitre 10 – La nuit
Maman a continué d’effacer mes dessins. Tout les jours. Dès qu’elle en voyait un. Elle a continué à mettre de la peinture blanche par-dessus. Elle a continué à les faire disparaitre. Elle ne me les laisse pas. Et ça la met en colère. Elle dit que si je n’arrête pas, alors elle me prendra tous mes crayons. Même les rouges. Qu’elle trouvera ma cachette et qu’elle jettera tout à la poubelle. Qu’elle ne m’achètera plus jamais de feutres et de crayons. J’ai pas envie. Moi je veux pouvoir continuer de dessiner quand j’ai besoin de dessiner. Elle dit que j’ai plein de feuilles blanches, que je devrais dessiner dessus. Je lui dit que c’est pas pareil, mais elle ne comprend pas. Alors j’essaye de rester gentille. Elle ne comprend pas que ce qu’elle fait n’est pas bien.Elle a pas envie de comprendre.
Les murs pleurent beaucoup. Surtout la nuit. Mais maman est trop fatiguée pour les entendre. Je pense qu’elle ne les entend pas du tout. Papa non plus. Valentin, je sais pas. Il est trop petit pour parler. Peut-être qu’il les entends mais qu’il ne peut pas le dire ? C’est triste de pas entendre parler les murs. Alors que les murs racontent plein de choses. Moi, je les entends. Ils sont tristes. Ils pleurent. Ils pleurent et me disent qu’ils ne veulent pas que je les laisse seuls. Ils ne veulent pas rester tout seuls la journée quand je vais à l’école. Ils veulent que je reste avec eux.Ils veulent que je continue de dessiner sur eux. Que je dessine des chiens, des chevaux, des bonhommes…
J’essaye de les rassurer, en leur répondant que non, je ne les laisserai pas tout seuls. Que je suis là. Que je serais toujours là pour eux. Que je serai toujours avec eux. Mais des fois, la seule façon pour qu’ils comprennent que je suis là et qu’ils arrêtent de pleurer, c’est de dessiner dessus. Des fois, j’ai juste à poser ma main sur les murs, et ils me disent qu’ils vont mieux. Mais ça ne dure pas très longtemps, et ils recommencent à pleurer. Alors je dessine sur eux.
Chapitre 11 – Les post-it
Il est très tard. Papa et maman dorment. Valentin aussi. Dehors il fait tout noir. Mais moi, j’arrive pas à dormir. J’aimerai bien dormir. Je suis toute fatiguée. Mais j’arrive pas à dormir. Pas du tout. Alors j’essaye de compter les moutons. C’est un truc que papa m’a apprit. Il dit que ça marche bien, que c’est ce qu’il fait quand il arrive pas à dormir.
Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq moutons.
Je vais jamais au delà de vingts moutons. Parce que je sais pas compter après. Alors je recommence à zéro. Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq. Six. Sept. Huit. Neuf. Dix.
Mais les murs continuent de me parler. Ils disent que les cauchemars leurs font peur et qu’ils n’arrivent pas à dormir non plus. Alors je me lève, je fouille dans le grand tiroir du petit bureau. J’ai plein de trucs dans mon tiroir. Des ciseaux ronds, des gommettes, des paillettes, de la colle qui sent bon. Je prend mes post-it rouge. C’est mes préférés. Je les colle ensuite sur le mur. Je fais une grande ligne, bien droite. Sur tout le mur. Ça prend du temps parce que je veux vraiment que ce soit bien droit. Et c’est plus joli comme ça. Les murs vont mieux ensuite. Ils me disent merci, que je suis gentille. Ils disent qu’ils sont désolés de m’empêcher de dormir. Je me demande à quoi ressemblent les cauchemars des murs. Ils rêvent peut être qu’ils sont tout blancs et que personne ne leur dessine jamais dessus. C’est triste. Moi aussi ça me ferais peur. Ensuite, je me recouche. Je recompte des moutons.
Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq moutons.
Des fois, je peux dormir. Mais des fois, ça ne marche pas. Alors je suis obligée de me lever encore. Et je recolle d’autres post-it rouges. Plein de post-it rouge. Je fais plusieurs lignes bien droites. Sur tout le mur. Et ils me disent merci et s’excusent encore. Je leur dit que c’est pas grave. Alors je retourne dans mon lit et je recompte des moutons.
Un. Deux. Trois. Quatre. Cinq moutons.
Et après je réussi à m’endormir.
Chapitre 12 – Rouge
Un jour, Valentin s’est fait mal.
Il était en train de jouer avec sa voiture bleue. C’est une jolie petit voiture en plastique, avec des portes qui s’ouvrent. Quand on appuie sur le bouton sur le toit, la voiture fait des bruits de moteur et de klaxon. Bip ! Bip ! C’est comme quand on prend la voiture avec papa pour sortir et aller chez papi et mamie. Valentin s’amusait à ouvrir et fermer les portes de la voiture en faisant plein de bruit. Je crois qu’il voulait faire comme la voiture qu’on a vu à la télévision. Les portes elles s’ouvraient et la voiture pouvait voler. Et Valentin a crié très fort et il a pleuré en se tenant la main. La voiture est retournée par terre.
Il y a du rouge qui est sorti de sa main. Juste quelques gouttes. Maman est vite venue pour voir ce qu’il avait. Elle lui a fait des bisous et lui a dit de ne pas pleurer, qu’elle allait le soigner. Moi j’ai rien dit du tout. J’ai juste regardé pendant que maman s’occupait de mon petit frère. Elle lui à mit un pansement sur la main et a dit que ça pouvait arriver à tout le monde de se faire mal. Après, elle a dit que son corps entier était rempli de rouge. Il y a plein de rouge à l’intérieur. Tout plein. Tout plein. Tout plein. De rouge.
Valentin mange son petit déjeuner. Et il est plein de rouge. Les céréales flottent dans son bol de lait. Le lait est tout blanc, comme les murs que papa et maman ont encore repeints. Le bol de mon petit frère est rouge. Le mien est bleu avec des petites fleurs rouges. Maman lui met un pull en laine. Il est rouge aussi. Et après, il part jouer avec son camion de pompier. Rouge. Et quand il ouvre grand la bouche, je peux voir que c’est rouge à l’intérieur.
Je me demande s’il sait à quel point il a de la chance. Il a de la chance d’avoir autant de rouge en lui. J’aimerai bien avoir plein de rouge moi aussi. Comme ça j’aurai plus besoin d’utiliser mes crayons. Je pourrai dessiner avec mon rouge à moi.
Chapitre 13 – L’aiguille
Un jour, j’ai pris une aiguille de maman que j’avais cachée dans mon tiroir. Valentin était en train de jouer dans la chambre. Il était assis part terre avec sa peluche. Je tenais l’aiguille très fort dans ma main pour pas la perde, et j’ai piqué Valentin avec. Juste un tout petit peu. Je voulais savoir ce que ça faisait. Des gouttes rouges sont sorties. Et Valentin a crié et a pleuré. Je n’ai pas touché le rouge qui sortait de lui. J’ai pas osé.
— Lucie, qu’est-ce qui se passe ?
Maman a crié très fort en arrivant dans ma chambre. Elle a regardé Valentin qui criait et qui pleurait.
— Qu’est ce qui est arrivé à Valentin ?
— Il s’est fait mal.
— Mais comment ?
— Un accident.
— Un accident ? Mais c’est quoi cette aiguille ? Où as-tu trouvé ça ?
— Je sais pas.
— Vraiment ?
— Je suis venue dans la chambre et Valentin s’est fait mal en jouant avec sa peluche.
Maman m’a regardé. Je suis sûre qu’elle me croyait pas. Mais comme personne pouvait dire ce que j’avais fais, alors ça l’a énervée. Dans sa tête, elle a du dire que j’étais une méchante menteuse. Puis elle a soufflé.
— Tu dois faire attention à ton petit frère. Il ne faut pas jouer avec ce genre de choses. C’est dangereux. Je ne veux plus que tu joues avec Valentin si je ne suis pas là pour vous surveiller.
Alors elle a prit mon petit frère et la fait sortir de la chambre. Elle est revenue et j’ai été punie. Je dois encore rester dans la chambre. Toute seule. Elle dit qu’elle fait attention à mon petit frère. Mais je ne lui dis pas à propos du rouge. Parce qu’elle finira par le vider et à le remplir de blanc lui aussi. Elle ne laissera jamais de rouge dans la maison. Elle me demande pourquoi je n’aime pas les autres couleurs. Comme le rose ou le bleu par exemple. Papa lui a dit que je n’étais pas le genre de fille à aimer jouer à la princesse, à boire du thé en portant des jolies robes. Moi je dis juste que j’aime faire des dessins et parler toute seule. Mais ce n’est pas vrai. C’est un mensonge. Maman ne comprend pas que je m’amuse beaucoup avec les murs. Avec la maison. Que je joue à plein de choses. Que je parle beaucoup. De plein de choses aussi.
Chapitre 14 – Ma maison
J’ai entendu papa et maman discuter tout les deux. Ils parlaient de déménager parce que la maison devenait trop petite. Parce qu’on était quatre. Parce que Valentin dort dans ma chambre. Et ça m’a rendu très triste d’entendre tout ça. Et les murs aussi étaient tristes. Il ont dit qu’ils ne voulaient pas que je parte. Qu’ils voulaient que je reste avec eux. Qu’ils voulaient pouvoir continuer à discuter avec moi. Qu’ils voulaient que je continue de dessiner des chiens et des chats sur eux. Que je recouvre le blanc en rouge. Ils n’aiment pas le blanc, et moi non plus.
Je dois rester ici. Je dois rester ici pour toujours. Je dois rester avec les murs et la maison. Et les peindre en rouge pour qu’ils ne soient pas tristes. J’aime bien le rouge. C’est ma couleur préféré. C’est joli et brillant. C’est beaucoup mieux que le blanc. Je veux que ma chambre redevienne rouge, comme avant. Comme avant que Valentin ne vienne dormir dans ma chambre. Comme quand c’était un bébé et qu’il était dans la chambre de papa et maman. Et qu’il pleurait tout le temps.
Valentin, je suis sûre qu’il s’en fiche. Il s’en fiche que les murs ils soient rouges ou blancs. N’est-ce pas Valentin ?Alors je lui demande quand même :
— Tu préfères que les murs soient rouges ou qu’ils restent blancs ?
Il me regarde mais me réponds pas.
— Le blanc, c’est moche. Si je repeins les murs en rouge, ça t’embêterai ou pas ?
Il ne dit pas non. Il ne dit pas oui. Il ne parle pas, mais il peut secouer la tête. C’est comme ça qu’il parle avec maman et papa. Mais là, quand je lui parle, il ne fait rien du tout. Il s’en fiche. Il s’en fiche complètement. Les murs peuvent être blancs, rouge ou bleu, il s’en fiche complètement. C’est qu’un bébé. Il ne comprend pas tout de toute façon. Il est trop petit. C’est plus un bébé, mais c’est pas encore un grand garçon.Un jour peut être qu’il comprendra ce que veut la maison. Et qu’il deviendra aussi son ami. Mais pour le moment, il est trop petit.
Chapitre 15 – Les murs sont rouges
J’ai trouvé un joli couteau dans la cuisine. Il est grand et brille beaucoup. C’était difficile de le prendre sans me faire punir parce que maman est souvent dans la cuisine, mais j’ai réussi. Je l’ai pris, et ni maman, ni papa ne le sait. de toute façon, il y a plein de couteau, ils ne feront pas attention si il en manque un. Je fais bien attention à ne pas me faire mal avec quand il est dans mes mains. J’ai dit à Valentin de ne pas y toucher. Et je vais pouvoir prendre soin de lui, comme maman me l’a demandé avant de sortir. Elle a dit qu’elle en avait pas pour longtemps, que c’était juste une petite course. Papa est au travail. Je suis toute seule avec Valentin. Je vais bien m’occuper de lui.
— Valentin, tu dois juste être patient et te laisser faire. Jusqu’à ce que les murs aillent mieux. Jusqu’à ce qu’ils arrêtent de pleurer. Parce qu’ils pleurent beaucoup. Ils sont tristes. C’est d’accord ?
D’accord.
Il n’a rien dit. Alors j’ai pris le couteau, j’ai commencé à couper. Dans son bras que je tenais très fort. Et il s’est mis à crier et à pleurer. Il a commencé à beaucoup bouger.
— Arrête de pleurer ! Tu veux que les murs restent tristes ? Tu ne veux pas qu’ils soient heureux ? Tu es égoïste. Tu ne penses qu’à toi. Tu as de la chance. Tu es rempli de rouge. C’est toi que les murs veulent. C’est toi qui les rendras heureux. Pour toujours.
Il a continué de pleurer et de crier. Moi je voulais qu’il arrête.
— Ferme là. Ferme là. Ferme là. FERME-LA !
J’ai frappé jusqu’à ce qu’il ne dise plus rien. Et beaucoup de rouge sortait de lui. Beaucoup, beaucoup, beaucoup de rouge. J’ai mis mes mains dedans. C’était chaud. Et j’ai commencé à recouvrir les murs avec mes doigts. J’ai dessiné des fleurs, un chat, une vache et des bonhommes. C’était joli. Les murs étaient heureux. Et je suis sûre que Valentin aussi. Même si il ne dit plus rien du tout. Il ne pleure plus. Il ne crie plus. Maman va bientôt rentrer à la maison.
Les murs sont rouges.